Sur le licenciement pour motif économique et la date d’appréciation des difficultés économiques (Cas
La réalité des difficultés économiques s’apprécie à la date du licenciement économique (Cass. soc. 30/03/2010 n°09-40068). Peut-on tenir compte d’éléments postérieurs au(x) licenciement(s) pour apprécier cette réalité ? Oui, pour la Cour de cassation.
Dans cette affaire de 2014, le salarié avait été licencié le 29 mai 2009, pour motif économique. Quelques mois auparavant, le résultat d'exploitation de la société était largement déficitaire, l'activité était en baisse par rapport à l'exercice précédent, les prises de commande des produits étaient en recul de 25% par rapport à la même période en 2008 et les prévisions de vente de toutes les divisions étaient relativement faibles.
Mais la cour d’appel avait conclu à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en appréciant la réalité des difficultés économiques à une date postérieure au licenciement : car, à la fin de l'exercice clos au 30 juin 2009 les résultats réalisés par la société étaient positifs, à cette date le résultat d'exploitation était excédentaire de 34.403 euros et le bénéfice était de 42.273 euros, à cette même date les liquidités augmentaient et les dettes fournisseurs diminuaient par rapport à l'exercice précédent.
Pour l’employeur, la cour d’appel avait violé l'article L.1233-3 du code du travail, puisque selon lui : une dégradation durable des résultats d'une entreprise et les pertes financières successives caractérisaient des difficultés économiques, malgré une amélioration ponctuelle peu après le licenciement ; l’employeur avait été confronté à une importante dégradation de ses résultats devenus déficitaires à compter de 2009 et cette situation financière désastreuse avait, malgré les résultats positifs obtenus fin juin 2009 résultant de deux commandes inattendues et exceptionnelles, subsisté à la fin de l'année 2009 ; les difficultés s'étaient mêmes poursuivies sur l'exercice 2012 en dépit de mesures prises pour tenter de l'enrayer ; il ressortait du tableau du chiffre d'affaires du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009 un chiffre d'affaires exceptionnel au mois de juin 2009, pratiquement égal au double du chiffre d'affaires réalisé en moyenne sur les autres mois ; un dossier de chômage partiel avait été déposé par la société pour la période du 31 août au 31 décembre 2009 ; le président de la société attestait que la situation de la société était toujours tendue en 2012 ; le juge n'avait pas à s'immiscer dans les choix de gestion effectués par l'employeur pour tenter de remédier aux difficultés économiques rencontrées ; en reprochant à l'employeur d'avoir, face au constat du ralentissement de l'activité, licencier immédiatement le salarié sans attendre de voir l'évolution de la situation lors de la clôture de l'exercice, quand une telle décision relevait de la libre détermination de ses choix économiques, la cour d'appel avait violé les articles L. 1233-2, L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail, ensemble le principe de liberté du commerce et de l'industrie.
Mais la Cour de cassation a donné tort à l’employeur, le licenciement n'était pas fondé par un motif économique réel et sérieux, en précisant : « si le motif économique du licenciement doit s'apprécier à la date du licenciement, il peut être tenu compte d'éléments postérieurs pour cette appréciation ».
Car, si le chiffre d'affaires et le bénéfice de la société traduisaient, à la date du licenciement, un ralentissement de l'activité par rapport à l'exercice précédent qui avait été exceptionnel, le résultat net comptable de l'exercice complet arrêté un mois après la notification de la rupture était bénéficiaire, le journal des ventes pour la période de juillet 2008 à mai 2009 ne témoignait pas d'une situation d'alerte particulière et les difficultés économiques invoquées à la lettre de licenciement se fondaient sur une extrapolation du résultat négatif au 30 avril 2009 qui se révèlera inexacte lors de la clôture de l'exercice annuel au 30 juin 2009.