Le forfait en jours et le critère de l’autonomie du salarié (Cass. soc. 27/03/2019 n°17-31715)
Les salariés ne sont éligibles au forfait-jours que s’ils sont autonomes :
les salariés cadres : parce qu’ils disposent d'une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps, la nature des fonctions ne le conduisant pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés (art. L.3121-58 du code du travail) ;
les autres salariés : parce que la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et parce qu’ils disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées (art. L.3121-58 du code du travail).
Si le salarié n’est pas autonome, son forfait-jours lui est inopposable, il peut obtenir le paiement de ses heures supplémentaires, le critère de l’autonomie étant vérifié par le juge prud’homal.
(Cass. soc. 15/12/2016 n°15-17568 ; Cass. soc. 23/01/2013 n°11-12323 ;
Cass. soc. 31/12/2012 n°11-20986 ; Cass. soc. 31/10/2007 n°06-43876)
Dans une nouvelle affaire du 27 mars 2019, la Cour de Cassation dut une nouvelle fois apprécier le critère de l’autonomie.
Dans cette affaire, un salarié fut engagé en 1999 par Euro Disney en tant que régisseur son.
En 2007, il signa une convention individuelle de forfait annuel en jours ; en dernier lieu, il exerçait la fonction de « concepteur son événementiel » statut cadre, coefficient 300.
Licencié en 2013, il saisit la juridiction prud'homale pour obtenir un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires et les congés payés afférents, une indemnité pour repos compensateur et diverses indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et travail dissimulé.
La Cour d’appel jugea sa convention de forfait inopposable au salarié, et condamna l’entreprise au paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires et de diverses indemnités au motif que les « conceptions audio des événements » étaient en fait traitées en amont par les commerciaux qui le cas échéant contactaient le salarié pour vérifier avec lui la faisabilité d'une proposition ou recueillir son avis de technicien, de sorte qu'il n'intervenait en réalité qu'en exécutant spécialisé sans la moindre autonomie artistique ou d'innovation technique, qu'il n'établissait ni ne préparait ou chiffrait les devis des événements, qu'il procédait à la mise en œuvre technique des aspects audio ce qui impliquait une coopération constante avec les autres corps de métiers intervenant sur ces événements (régisseur décor, régisseur, son, régisseur lumière...) et qu'il avait un responsable sur place.
La Cour de cassation a confirmé le raisonnement de la cour d’appel, ajoutant que les fonctions du salarié s'appliquaient à des événements dont les modalités étaient connues au préalable, que des plannings précis comportaient notamment les jours et tranches horaires dans lesquels devait être effectuée chacune des opérations à respecter afin que l'événement se déroulât bien et laissât la place au suivant : en conséquence, le salarié ne disposait pas d'une autonomie réelle dans l'organisation de son travail qui était en fait totalement organisé et imposé par l'employeur, et ne remplissait pas les conditions pour être soumis à une convention de forfait en jours.
(Cass. soc. 27/03/2019 n°17-31715)
Ainsi, le salarié qui n’est pas maître de son horaire de travail, qui doit se conformer à des horaires, dont les horaires sont prédéterminés et dépendent d’un planning collectif, qui ne peut quitter le travail avant l’horaire prévu, qui n’est pas libre de fixer son emploi du temps, qui n’a pas le libre choix de ses repos hebdomadaires, dont les fonctions s'appliquent à des événements dont les modalités sont connues au préalable, avec plannings précis et jours et tranches horaires dans lesquels doit être effectuée chacune des opérations à respecter, ne peut être soumis à une convention de forfait-jours, et il peut demander le rappel de salaires au titre de ses heures supplémentaires dans le délai de prescription.
(Cass. soc. 27/03/2019 n°17-23314 + n°17-23375)