Réunion des DP - Dénonciation d’un usage concernant les IRP – Possibilité de se faire assister de pl
I./ Les faits de l’arrêt du 28/01/2015 :
Une société avait décidé de mettre fin à l'usage en vertu duquel les délégués du personnel (DP) pouvaient se faire assister de plusieurs délégués syndicaux (DS) lors des réunions mensuelles avec l'employeur, l’employeur exigeant désormais qu'un seul DS les assiste.
Mais l’employeur n’avait préalablement informé que les DP, les membres du CE et les DS de cette dénonciation, considérant qu’ils étaient les seuls concernés, sans informer les autres salariés de l’entreprise.
II./ Les questions juridiques soulevées :
Deux questions juridiques furent posées à la Cour de cassation :
Sur la dénonciation de l’usage d’entreprise : fallait-il informer préalablement tous les salariés de la dénonciation, même s’ils n’étaient pas tous concernés par celle-ci ?
Sur l’assistance des DP par des DS aux réunions : l'article L. 2315-10 du code du travail permet-il à chaque DP de se faire assister d'un représentant d'une organisation syndicale, ou bien est-ce l’ensemble des DP qui n’a droit à être assisté que d’un seul représentant ?
III./ Rappel des principes :
A/ Sur la dénonciation d’un usage d’entreprise :
La dénonciation par l'employeur d'un usage doit, pour être régulière, être précédée d'un préavis suffisant pour permettre des négociations et être notifiée aux représentants du personnel et à tous les salariés individuellement s'il s'agit d'une disposition qui leur profite ou, s'agissant d'un usage dont le bénéfice est subordonné à une condition d'ancienneté dans l'entreprise, qui est susceptible de leur profiter (Cass. soc. 13/10/10 n°09-13110).
B/ Sur l’assistance des DP par des représentants d’OS aux réunions :
Il existe trois sources :
La circulaire DRT 1984/05 du 28 juin 1984 (art. 3.1 – page 5) :
« Désormais l’assistance des délégués du personnel lors des réunions tenues avec l’employeur est ouverte à un membre d’une organisation syndicale, quelle que soit sa profession ou son appartenance syndicale par rapport à celle du délégué du personnel. Il résulte de cette disposition nouvelle que les délégués du personnel peuvent se faire assister par un représentant d’un syndicat autre que celui auquel ils appartiennent. Sur demande des délégués, il pourra être fait appel à un salarié de l’entreprise qui pourra d’ailleurs être délégué syndical ou une personne extérieure à l’entreprise habilitée à cet effet comme par exemple, un membre de l’union locale ou départementale d’un syndicat. Un tel droit est ouvert aux délégués du personnel titulaires. »
Une réponse du ministère des affaires sociales et de l’emploi à la question écrite n°31081 (JO du 12/10/1987 p. 5587 et JO du 18/01/1988 p.210) :
« La loi du 28 octobre 1982 relative au développement des institutions représentatives du personnel a donné la possibilité au délégué du personnel, élu sur une liste syndicale ou non, de se faire assister par un représentant d'une organisation syndicale quelle que soit la profession ou l'appartenance syndicale de ce dernier ; les délégués du personnel peuvent donc se faire assister par un représentant d'un syndicat autre que ceux auxquels ils appartiennent. (…).
Les délégués du personnel peuvent se faire assister par un représentant d'une organisation syndicale, avec une limite constituée par l'impossibilité de la présence de deux représentants de la même organisation syndicale.
Si le représentant choisi par les délégués du personnel est une personnalité syndicale extérieure à l'entreprise, sa participation aux réunions ne nécessite pas l'autorisation de l'employeur, mais l'information de ce dernier paraît judicieuse, l'employeur pourra ainsi éventuellement vérifier si la personne en question est bien habilitée soit par les statuts du syndicat, soit en vertu d'un mandat exprès.
Si la personne choisie appartient à l'entreprise, deux situations peuvent se présenter suivant qu'elle détient ou non un mandat. S'il s'agit d'un salarié titulaire d'un mandat de représentant du personnel au sein de l'entreprise, délégué syndical ou représentant syndical, sa participation aux réunions de délégués du personnel est régie conformément aux dispositions spécifiques à son mandat ; sauf accord plus favorable, le temps passé aux réunions doit s'imputer normalement sur le crédit d'heures dont il bénéficie. En revanche, s'il s'agit d'un salarié non titulaire d'un mandat mais désigné par une organisation syndicale, il doit obtenir de la part de l'employeur la permission de quitter son poste de travail.
Le choix des délégués du personnel pourra être ainsi éventuellement limité par les nécessités inhérentes à la bonne marche de l'entreprise. Dans cette hypothèse, aucune disposition législative ne prévoit la rémunération du salarié et, sauf accord le prévoyant, en l'absence de prestation de travail, l'employeur est en droit de ne pas rémunérer le temps passé à la réunion des délégués du personnel.
De l'ensemble de ces éléments, il apparaît que l'application de l'article L.424-4 du code du travail n'est pas une source de difficulté pour les entreprises ; il n'est donc pas envisagé de le modifier. »
L’article L.2315-10 du code du travail :
« Dans tous les cas, les délégués du personnel suppléants peuvent assister avec les délégués du personnel titulaires aux réunions avec les employeurs.
Les délégués du personnel peuvent, sur leur demande, se faire assister d'un représentant d'une organisation syndicale. »
IV./ Les apports de l’arrêt du 28/01/2015 :
A/ Sur la dénonciation de l’usage d’entreprise :
La Cour d’appel avait jugé régulière la dénonciation de l'usage relatif à l'assistance des délégués du personnel lors des réunions mensuelles par des représentants syndicaux aux motifs qu'il n’était pas nécessaire d'informer individuellement l'ensemble des salariés de l'entreprise lors de la dénonciation d'un usage dont l'application ne concernait pas les salariés.
De son côté, le syndicat prétendait qu’au vu de l'article 1134 du code civil, des règles régissant la dénonciation des usages d'entreprise, le défaut d'information individuelle des salariés et des institutions représentatives des salariés dans un délai permettant d'éventuelles négociations rendait la dénonciation irrégulière et inopposable.
Mais pour la Cour de cassation, si la dénonciation par l'employeur d'un usage doit, pour être régulière, être précédée d'un préavis suffisant pour permettre des négociations et être notifiée aux représentants du personnel et à tous les salariés individuellement s'il s'agit d'une disposition qui leur profite, en revanche dès lors que la dénonciation de cet usage ne concerne que les IRP (DP + membres du CE + DS ayant été préalablement informés), il n’y a pas lieu de le dénoncer aux salariés non concernés.
En résumé, la Cour de Cassation valide la procédure suivie par l’employeur, les IRP étant les seuls salariés concernés par la dénonciation de cet usage.
B/ Sur l’assistance des DP par des représentants d’OS aux réunions :
Pour la cour d'appel, l’article L.2315-10 alinéa 2 du code du travail ne consacre pas un droit individuel de chaque DP qui impliquerait nécessairement le droit pour chacun d'eux de se faire assister d'un représentant d'une organisation syndicale, mais se borne seulement à envisager la faculté pour les DP dans leur ensemble de se faire assister par un tel représentant.
Au contraire, pour la Cour de cassation, l'article L. 2315-10 alinéa 2 ne limite pas à un représentant le nombre de représentants syndicaux pouvant être appelés à assister les délégués du personnel lors de la réunion prévue à l'article L. 2315-8 du même code, mais à un représentant par confédération syndicale.
En résumé, l’article L.2315-10 permet à chaque délégué du personnel de demander à être assisté par un représentant syndical. Ainsi, plusieurs assistants syndicaux peuvent donc être appelés à assister les délégués du personnel lors d’une réunion avec l’employeur.
Mais conformément à la limite fixée par la réponse ministérielle de 1988 (« limite constituée par l'impossibilité de la présence de deux représentants de la même organisation syndicale »), ne pourront être présents au cours d’une même réunion, 2 représentants du même syndicat ou de 2 syndicats affiliés à la même confédération.