Représentant syndical au CHSCT (Cass. soc. 15/04/2015 n°14-16197)
Après un arrêt du 3 mars 2015 (Cass. soc. 03/03/2015 n°13-21792 – cf. commentaires dans tag IRP) au sujet d’une désignation de représentant syndical (RS) au CHSCT en application de l’accord-cadre du 17 mars 1975,
où la Cour de cassation a réinvité les juges du fond, avant de faire droit à une désignation de RS au CHSCT, à constater d’abord que les organisations patronales représentatives du secteur d'activité, dont relève la société, étaient adhérentes au MEDEF (anciennement CNPF) ou que la société l'était,
la Cour de cassation, dans un arrêt du 15 avril 2015, revient sur l’article 23 de l’accord-cadre du 17 mars 1975.
Rappel des faits de l’arrêt du 15 avril 2015 :
La société Pages Jaunes, comprenant plus de 500 salariés (cf. infra art. 23 de l'accord-cadre du 17 mars 1975 et art. L.4613-4 du code du travail), n’était constituée que d’un seul établissement pour les élections :
au comité d’entreprise (CE),
au CHSCT pour le siège social à Sèvres,
aux 8 autres CHSCT, créés en fonction d'un critère géographique, chacun regroupant 2 à 4 agences locales.
En octobre 2011, la Fédération des employés et cadres Force ouvrière informa l'employeur de la désignation d’un salarié de l'agence de l'Isère, en qualité de RS au CHSCT de Sèvres (siège social).
La cour d’appel annula la désignation du salarié en sa qualité de RS au CHSCT de Sèvres, en retenant que le salarié n'était pas rattaché professionnellement au périmètre géographique du CHSCT de Sèvres, mais à celui du CHSCT Rhône-Alpes.
Le problème de droit :
La cour d'appel a-t-elle violé l'article 23 de l'accord-cadre du 17 mars 1975 ?
Car l'article 23 de l'accord-cadre du 17 mars 1975, qui institue des RS conventionnels au CHSCT et qui prévoit la possibilité de désigner des RS au niveau de plusieurs CHSCT lorsque ces derniers sont institués au sein d'un même établissement, subordonne-t-il leur désignation à la condition que le salarié choisi par l'organisation syndicale travaille effectivement dans le périmètre géographique correspondant au CHSCT auprès duquel il est désigné ?
Ou bien tout salarié travaillant au sein de l'établissement concerné peut-il être désigné en qualité de RS dans l'un des CHSCT constitués ?
Rappel des textes juridiques :
L'article L.4613-4 du code du travail dispose que :
« Dans les établissements de cinq cents salariés et plus, le comité d'entreprise détermine, en accord avec l'employeur, le nombre des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail devant être constitués, eu égard à la nature, la fréquence et la gravité des risques, aux dimensions et à la répartition des locaux ou groupes de locaux, au nombre des travailleurs occupés dans ces locaux ou groupes de locaux ainsi qu'aux modes d'organisation du travail. Il prend, le cas échéant, les mesures nécessaires à la coordination de l'activité des différents comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. En cas de désaccord avec l'employeur, le nombre des comités distincts ainsi que les mesures de coordination sont fixés par l'inspecteur du travail. Cette décision est susceptible d'un recours hiérarchique devant le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ».
L'article 23 de l'accord-cadre du 17 mars 1975 relatif à l'amélioration des conditions de travail, modifié par avenant du 16 octobre 1984, étendu par arrêté du 12 janvier 1996, a prévu une participation des représentants syndicaux aux missions des CHSCT occupant plus de 300 salariés dans les termes suivants :
« (…) afin de permettre aux organisations syndicales de participer plus étroitement aux actions de prévention, chaque organisation aura la faculté, dans les établissements occupant plus de 300 salariés, de désigner, parmi le personnel de l’établissement, un représentant qui, s’ajoutant aux personnes désignées à l’article R.232-6 (désormais R.4614-2) du code du travail, assistera avec voix consultatives aux réunions du CHSCT. Il en sera de même – lorsque, en application de l’article L.236-6 du code du travail, plusieurs CHSCT auront été institués au sein d’un même établissement – pour chaque partie d’établissement correspondant à un CHSCT et occupant plus de 300 salariés. »
Solution de la Cour de cassation :
La Cour de cassation confirme l’annulation de la désignation du salarié en sa qualité de RS au CHSCT du siège, aux motifs que :
aux termes de l'article 23 de l'accord-cadre du 17 mars 1975, qui institue des RS conventionnels au CHSCT, seul un salarié travaillant dans l'établissement concerné peut être désigné en qualité de RS au sein du CHSCT qui y est constitué
un critère géographique ayant été retenu pour décider de l'implantation des CHSCT et le salarié étant employé dans le périmètre du CHSCT Rhône-Alpes, le salarié ne pouvait être désigné en qualité de RS au sein du CHSCT de Sèvres.
En conclusion, pour déterminer les salariés éligibles RS aux CHSCT d’un même établissement, en l'absence de disposition conventionnelle contraire, il faut opérer la distinction entre les CHSCT de l’établissement répartis :
selon le critère "géographique", et dans ce cas un salarié ne peut être désigné RS qu’au sein du CHSCT dans le périmètre duquel il travaille effectivement (Cass. soc. 12 avril 2012 n°11-12916),
selon le critère "secteurs d'activité", et dans ce cas tout salarié peut être désigné membre d'un CHSCT correspondant à un secteur dans lequel il ne travaille pas. En effet, « l'article 23 de l'accord-cadre du 17 mars 1975, qui institue des représentants syndicaux conventionnels au CHSCT, ne subordonne pas leur désignation à leur appartenance à la catégorie professionnelle représentée par les membres élus de ce comité, de sorte que tout salarié travaillant au sein de l'établissement concerné peut être désigné en qualité de représentant syndical dans l'un des CHSCT qui y sont constitués » (Cass. soc. 10 mai 2012 n°10-23531).